mercredi 8 juin 2011

Les clichés orphelins ou l'apothéose du sexisme

Il est surprenant de constater à quel point certains clichés ont la vie dure. Non, non pas ceux auxquels vous pouvez penser. Des clichés dont personne ne parlent, des clichés orphelins dont l'existence ne concerne qu'un nombre très restreint de privilégiés. Et bien je vais profiter de cette tribune pour me faire le défenseur de ces clichés, leur proposer quelques instants de gloire certes bien dérisoire en comparaison de l'éphémère de leur existence. Les clichés orphelins vont enfin avoir leur foyer.

Hier je me trouvais, comme toutes les semaines, à la bibliothèque de mon quartier. Une femme accompagnée de son fils se tourne vers moi et me demande : "puis je vous poser une question ? Je cherche ...". Devant mon regard interloqué elle enchaîne :"vous travaillez là ?". Et bien non ! Tous les hommes traînant dans la section enfant de la bibliothèque ne sont pas que des employés. Il arrive que certains papa accompagnent leurs enfants à la bibliothèque. Y compris un mardi à 16h30 ! C'est peu fréquent mais possible. Ce n 'est pas la première fois que cela m'arrive et ce n'est pas non plus le seul endroit où cela m'est arrivé. Je me souviens d'une situation identique dans un magasin de jouets, pardon dans un magasin d'éveil (terme beaucoup plus noble et moins culpabilisant pour désigner les jouets qui se multiplient et s'entassent inexorablement). 

Cette échange a fait resurgir de ma mémoire de nombreuses situations similaires. Je me souviens par exemple de cette anecdote dans un centre commercial. Probablement le pire endroit un samedi pour emmener ses enfants compte tenu de l'affluence mais qui se transforme en une aire de jeux formidable en semaine lorsqu'il n'y a personne. Climatisation, larges allées abritées des intempéries, vitrines sécurisées et attractives pour les enfants, tout y est pour passer un après-midi agréable si vous avez la sagesse de ne pas entrer dans les magasins. Mais revenons à cette anecdote. L'un de mes enfants était à quelques mètres de moi lorsque j'entends une personne âgée s'étonner et appeler : "mais à qui est cet enfant ?". Un regard à gauche, un regard à droite, à la recherche, très certainement, d'un adulte de genre féminin qui pourrait être la maman. Je suis, en ce qui me concerne, parfaitement transparent pour elle jusqu'à ce que j'ose un : "il est à moi".

Le palme du cliché revient sans conteste à mes échanges par email (CAF, Crèche, Mairie, ...). Lorsque j'ai le malheur d'inclure les mots "congé parental" dans le corps de mes correspondances pour pouvez être certain qu'une fois sur deux la réponse qui me sera faite commencera par Chère Madame. Mon prénom n'y changera rien, ni d'ailleurs le terme "papa" en congé parental que je ne manque pas d'ajouter. Je me souviens en particulier de cette échange avec une conseillère de ma mutuelle à qui j'avais posé une question. Elle me promets de se renseigner et de m'envoyer l'information par email. Le lendemain je reçois un email commençant par "chère madame" alors même que j'avais eu cette brave dame au téléphone la veille. Invraisemblable. Il doit s'agir du parfait acte manqué : congé parental ne pouvant se décliner avec Monsieur.

Cela dit je ne suis pas indemne de tout reproche. Je me suis surpris moi même à pratiquer le sexisme à mon encontre. Je me souviens de cette situation dans un centre commercial où mes deux enfants étaient insupportables et l'un deux en particulier avait décidé de piquer une grosse colère, dans la queue,  devant le présentoir des chiclettes (quel extase ce mot !). J'ai senti, instantanément, sur moi les regards pesants de l'ensemble des clients et employés de ce supermarché et je les imaginais en train de se dire :"encore un père débordé par ses enfants, s'il s'en occupait un peu plus il saurait gérer ce type de situation". A cet instant je n'avais qu'une envie, brandir à la face du monde ma carte officiel de père en congé parental et crier qu'aucune femme dans cette même situation ne ferait mieux que moi !!!

Le sexisme pratiqué par des femmes à l'encontre des hommes, l'apothéose du sexisme, n'est finalement qu'un sexisme latent mais qui ne demande qu'à s'exprimer pourvu qu'on lui en donne l'occasion.      

2 commentaires:

  1. Excellente analyse ! Petite question en ce qui me concerne à propos du mot "chiclette"...

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  2. Chiclette signifie chewing-gum en français suisse et belge. Je n'ai pas pu résister au plaisir de l'utiliser ...

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