lundi 29 août 2011

Le prix de l'autonomie

Il y a quelques temps j'ai été à la grande galerie de l’évolution avec mes deux enfants. Magnifique sortie mais, oh combien épuisante. Mon deuxième enfant a commencé à marcher depuis quelques mois et je découvre le prix de sa liberté. Il faut me rendre à l’évidence, quelque soit le contexte, quelque soit la situation, quelque soit l’époque, toute liberté a un coût et aujourd'hui j'en fait les frais. L’endroit est clos mais malgré cela la vigilance dont j’ai dû faire preuve est épuisante. Il vous faut sans cesse trouver un point de vue vous permettant d’avoir vos deux enfants dans votre champ de vision. Le moindre poteau, le moindre obstacle, le moindre groupe de touristes vous bloquant l’accès visuel à vos enfants et voilà votre rythme cardiaque qui s’accélère et la sueur qui commence à perler sur votre front. Je donnerais cher pour disposer d'un petit scanner portatif. Las, vous naviguez de Charybde en Scylla. Aucun répit. Même lorsque vous finissez par céder et à en porter un dans vos bras. Vous réalisez alors avoir troqué le répit de l’esprit contre celui du corps, et à la fatigue mentale se substitue une fatigue physique toute aussi pernicieuse. Votre bien être est entamé de tous les côtés et seul un entraînement régulier vous permet de supporter ces excursions.

Paradoxalement le moment le plus harassant a été le déjeuner. Je l’attendais comme la délivrance. La faim devait calmer, au moins de façon temporaire, l’appétit de découverte de mes enfants. Il n’en a rien été. J’ai dû mettre en place un protocole expérimental pour atteindre mon objectif, à savoir remplir suffisamment nos trois estomacs pour me garantir un retour salvateur dans le calme. Première étape : distraire mon aîné qui n’était manifestement pas encore tiraillé par la faim. Une paille dans son emballage aura suffi. Deuxième étape : calmer la sensation de faim du deuxième, qui le conduisait à pousser des grognements. On aurait pu les imaginer de circonstances en ce lieu de culte de l’Animal, mais dans cette grande galerie muette, ils étaient plutôt embarrassants. Je découvre rapidement et avec horreur que le lieu ne dispose pas de chaises bébés. La préparation doit alors faire place à l'improvisation. Sur les genoux, un bavoir autour du cou et je commence à le nourrir. Rapidement je comprends que sa satiété n’altérera pas sa revendication d'indépendance. Il veut manger seul et essaie de m'attraper le bras pour se saisir de la cuillère. Vous imaginez les conséquences. Il me faut recourir au triptyque infernal : Explication, Mise en garde et Punition. Là ma mémoire me joue des tours, mais il est assez possible que, par soucis d'efficacité, j'ai foncé directement à la punition. J'espère que les psychologues de la petite enfance me pardonneront. La troisième étape se passe sous les pleurs du plus jeune et consiste à nourrir l’aîné qui commence à entamer la paille en plastique pour calmer sa faim. Un petit pot, une grande cuillère et le tour est joué. Enfin presque. Je dois me résoudre à l'aider avec une deuxième cuillère pour accélérer le mouvement. Après deux compotes à boire qui m'auront valu quelques minutes de calme, je décide de rentrer, le ventre vide, mais l'esprit plein d'espoir quant au trajet du retour. Et effectivement, il se déroule dans un parfait silence, mes deux enfants ayant eu la bonne idée de s'endormir immédiatement. Après une demi-heure de trajet je décide de prolonger le plaisir. Je me gare en bord de route, je ferme les yeux et je les rejoins fuis vers de doux rêves où mes enfants ont gagné leur indépendance et moi retrouvé ma liberté.

On n'imagine pas le niveau d'énergie qu'il faut déployer pour s'occuper et occuper quotidiennement deux jeunes enfants. Ma fatigue professionnelle d'avant n'est en rien comparable à celle qui m'étreint tous les soirs. Il m'arrive, j'en conviens, de rêver retrouver, le calme et la sérénité du bureau.

samedi 20 août 2011

Mon graal

Je n’ai jamais effectué autant d’excursions que durant mon congé parental. J’ai du visiter tous le zoos, parcs et autres pièges à parents de la région parisienne. Je ne compte plus le nombre de cartes de fidélité et abonnements annuels auxquels j’ai pu souscrire progressivement. Il est amusant d'ailleurs de constater après quelques mois l'effet que le mot excursion peut avoir auprès de mes deux enfants. A la simple prononciation de ce mot leurs yeux pétillent, leurs pieds trépignent et ils se précipitent vers l'armoire à chaussures tout en vous implorant du regard de les suivre. 

J’ai essayé de comprendre les raisons pour lesquelles j’avais eu une telle appétence, que dis-je, une telle boulimie pour les excursions. Après tout, certaines activités effectuées à la maison sont tout aussi plaisantes et épanouissantes, sans considérer qu'elles sont bien plus pratiques. L’excursion est en fait la meilleure arme contre, ce que j’appelle, le phénomène du bébé-zapper. La capacité d’attention des bébés est connue pour être particulièrement faible. J’ai noté qu’elle était également fortement corrélée à la familiarité que peut avoir l’enfant avec la situation et l’environnement. Pour résumer, moins un nourrisson sera en terrain connu et plus vous aurez la paix. Sa capacité d’attention sera décuplée par sa méconnaissance des lieux et vous gagnerez un peu de permanence. A cela ajoutez le plaisir que vous prendrez de votre côté à découvrir un lieu nouveau et vous aurez les 2 principales raisons pour lesquelles j'ai développé une addiction forte à l’excursion.

La permanence a été pour moi une quête éperdue pendant mon congé parental et l’excursion aura été mon graal. Son seul ennemi est votre niveau d’énergie qui doit être à son maximum pour supporter la répétition des efforts. Mais cela fera l'objet d'un prochain billet.  

mardi 16 août 2011

La fulgurance de l'escargot

Le développement de l'enfant est un moment tout à fait particulier qui n’a rien de comparable avec tout ce que j'avais pu connaître par ailleurs. Un mode d’apprentissage aussi surprenant que déroutant. J'ai connu les théories de « Change Management » en entreprise je découvre à l’occasion de mon congé parental ce que l’on pourrait appeler une révolution au ralenti ou la "fulgurance de l’escargot". C'est finalement le paradoxe ultime du changement, qui consiste à voir se succéder des phases d’apprentissage sidérantes de rapidité avec un processus d’une lenteur extrême. Et tout cela sans que l'on comprenne réellement les mécanismes à l'oeuvre qui rendent tel geste naturel dès le premier essai et tel autre hors de portée de long mois durant. Il m’a fallu pas loin de deux mois pour faire comprendre à mon aîné qu'après quatre il y avait cinq et pas neuf. Elle avait en effet décidé de passer de quatre à neuf puis dix et d’oublier tous les chiffres intermédiaires. S'agissait-il d'un pragmatisme à tout épreuve qui lui permettait de compter jusqu’à dix plus rapidement que tout le monde ? S'agissait-il d'un amour inconditionnel pour le 4 et le 9 qu’elle avait décidé de rapprocher pour l’éternité ? Je ne le sais pas mais je ne compte plus le nombre de fois où j’ai du la reprendre. A côté de cela nous avons été régulièrement bluffés par sa capacité à se souvenir de mots, de situations qu’elle n’avait vues ou vécues qu’une seule fois, ou bien à réaliser des gestes que nous lui montrions pour la première fois. 

Au delà de ce paradoxe plutôt amusant je retiens trois leçons qui m'ont marqué et dont il utile, y compris pour nous, adultes, de se souvenir dans la vie de tous les jours : 

1. Les enfants se construisent dans l'échec
Il faut en effet reconnaître que les moments de fulgurance sont bien moins nombreux que les moments d'échecs dans la vie de vos escargots. La formation est pavée de faillite. Certains gestes seront répétés des centaines de fois avant de se réaliser correctement. Votre rôle dès lors est d'accompagner cette démarche en tâchant de déceler la moindre fulgurance dans cette répétition chaotique pour encourager votre enfant. Vous félicitez tantôt les moyens (je suis fier de toi, tu ne te décourages pas ! C'est très très bien d'essayer encore et encore, tu vas finir par y arriver) et tantôt les résultats, même les plus imperceptibles (bravo c'est très très bien, tu as réussi à mettre un peu de purée dans ta cuillère. Le reste se réparti entre les cheveux, la table et le sol mais ce n'est pas grave !). Point de découragement. L'escargot a en effet trois qualités principales : il avance, il avance et il avance toujours. C'est une leçon pour chacun d'entre nous, cette résilience à l'échec se perd en effet très vite avec l'âge. 

2. Il est plus difficile de défaire que de faire
Une mauvaise habitude se prend rapidement mais met du temps à se défaire. Je me souviens de mon aîné qui avait appris à empoigner le crayon de couleur comme on empoigne un marteau. Impossible de lui faire entendre raison, il avait décidé que ses talents d'artiste se révélaient bien mieux de cette façon. Il m'aura fallu beaucoup de sueur pour qu'il change son habitude. Mon deuxième enfant, quant à lui, a développé très jeune des facultés de commando d'élite. Il était capable de se mouvoir, en rampant, en s'aidant d'une seule jambe, et en se propulsant à l'aide d'un seul bras plié devant lui, l'autre portant son doudou comme on porte un Famas. Là aussi une fois cette faculté acquise il lui aura fallu de long mois, pour ramper plus orthodoxement.  Au travers de ces exemples on se rend compte que l'apprentissage est précieux et qu'il faut prendre son temps. Evitez la précipitation et faites en sorte que les conditions soient optimales avant de vous lancer dans une activité nouvelle. Vous augmenterez vos chances de trouver le geste juste et diminuerez les risques du dés-apprentissage.     

3. Un bon exemple vaut mieux qu'un long discours
Les enfants sont de formidables spectateurs et les adultes, plutôt conteurs qu'acteurs. Je me suis surpris plusieurs fois à expliquer en détail un concept à mes enfants. Des mots, des mots, toujours des mots alors que la meilleure démo est celle silencieuse où vous réaliser une tâche et laissez votre enfant vous imiter.  

Il est également fascinant de côtoyer des êtres qui n'ont absolument aucune barrière mentale, aucune inhibition et agenda secret. Contrairement à ce que l'on a tous pu voir dans le monde de l'entreprise. L'apprentissage, même lent, reste d'une fluidité idéale et le changement tant redouté lorsqu'on est plus grand devient pour un enfant une quête quotidienne et une source d'épanouissement.

mercredi 10 août 2011

Indignez-vous - Chapitre 2


Voici ce que l'on trouve au rayon P'tite fille d'une célèbre enseigne soit disant agitateur d'idées. Je vais très certainement y trouver mon bonheur ! Sans commentaire.

mardi 9 août 2011

Avant j'avais des principes, aujourd'hui j'en ai d'autres

Nous connaissons tous l'adage "Avant j'avais des principes, aujourd'hui j'ai des enfants". Je dois bien admettre que cet adage comporte une grande part de vérité. Une grande part seulement, car celui qui me correspondrait mieux serait "Avant j'avais des principes, aujourd'hui j'en ai d'autres".

Comme certainement la plupart d'entre nous, j'ai commencé mon congé parental pétri, ou devrais-je dire, prisonnier de principes. Des principes de précautions (comme rester à une distance raisonnable de mes enfants lorsqu'ils jouent sur une aire de jeu), des principes éthiques (comme l'interdiction de la violence), des principes de réalité (comme l'acceptation de la violence dans une logique de défense de soi), des principes d'équivalence (comme la nécessité de consacrer un temps identique à mes deux enfants), des principes principaux (comme l'obligation d'être couché avant 21h) et des principes secondaires (comme le droit de se lever même après 21h pour soulager un besoin naturel), des principes de causalité (à chaque bêtise une punition), des principes de constance (la sieste dure à minima 1h30, la santé mentale du papa en dépend), des principes de double négation (si papa dit non, maman dit non aussi), des principes de moindre effort (on ne change une couche que lorsqu'elle est sur le point de déborder), des principes de subsidiarité (la nounou a les mêmes prérogatives que les parents), des principes d'inertie (lorsque papa fait quelque chose, il ne peut être interrompu, il faut le laisser finir), des principes de plaisir (une bonne action peut-être récompensée) et même le principe d’Archimède (la bouée dans une piscine y compris en présence d'adultes), toute ma vie parentale était devenue une question de principe !   

Une vie dogmatique et idéologique qui n'aura pas résisté longtemps à l'épreuve de la réalité. Vous mettez une vie à construire vos principes et quelques minutes suffisent à vos enfants pour les faire chanceler et voler en éclats. La réalité est un peu plus subtile. Vos principes ne disparaissent pas du jour au lendemain. Le principe est en effet la chose la plus malléable et protéiforme de mon congé parental. Attaqués et chahutés, ils conservent, contre vents et marées, cette formidable faculté à résister encore et toujours aux assauts de votre progéniture. Tel le roseau ils plient mais ne cèdent pas et telle la matière ils changent mais ne disparaissent pas. Même acculés, ils pourront, dans un formidable élan de survie, se transformer pour vous offrir un visage plus acceptable et adapté.

L'honneur est sauf ! Officiellement vous restez un homme ou une femme de principe, droit dans vos bottes ! Mais officieusement, et souvent sans le savoir, vous avez, en fait, troqué vos principes d'airain pour des principes protéiformes.

Je me souviens du principe suivant : mes enfants ne regarderont pas de dessin-animés à la télévision avant 6 ans. Il est amusant de noter que très vite je les ai pris avec moi pour leur montrer des images d'animaux sur internet. Le passage aux vidéos d'animaux fut relativement rapide. Il n'y avait ensuite qu'un pas à faire pour leur faire écouter quelques génériques de dessin-animés avec des animaux (Bouba, Calimero, Maya l'abeille, ....). Je dois me confesser, j'ai fais ce pas il y a quelques temps. Mais attention un générique n'est pas un dessin-animé et un ordinateur n'est pas la télévision. L'éveil musical est important pour les enfants et j'avais un principe : jamais plus de 10 minutes. Il y a quelques semaines, mon doigt a dérapé et j'ai malencontreusement cliqué sur le mauvais clip vidéo (youtube est vraiment mal conçu). J'ai ainsi montré à mon aîné, bien malgré moi, quelques minutes du premier épisode de Maya. L'effet fut immédiat, elle a adoré et moi j'ai pu me reposer un peu la voix. Gageons que nous poursuivrons l'expérimentation. Mais attention j'ai des principes : jamais plus de 15 minutes et toujours en présence des parents. Cela permet d'accompagner certains messages et cela évite une passivité trop importante.

Je sais ce que vous pensez : mon aîné n'a que trois ans, il me reste trois ans à tenir avant ses 6 ans et à ce rythme il risque de finir avec un écran greffé sur la cornée. En principe seulement ... 

samedi 6 août 2011

Le jour où j'ai gagné mes gallons de maman.

Voici deux scènes vécues dans les parcs parisiens la première au tout début de mon congé parental et la seconde il y a quelques temps. Vous noterez la progression stupéfiante du papa. La chrysalide, gauche et emprunté, que j'étais a finalement réussi à déployer ses ailes et à se fondre dans le paysage. Je suis désormais prêt pour le troisième enfant.

Le Parc version chrysalide
Je me souviens d'une de mes premières sorties au parc avec mes deux enfants.  Dans ce nouvel univers, mes gestent devaient certainement trahir mon manque d'entrainement. Mes enfants, eux, sympathisent immédiatement avec d'autres enfants et me voilà racontant mon aventure de père au foyer à une des mamans. Surprise et étonnement devant l'OMNI que je suis devenu (Objet Maternant Non Identifié) et soulagement lorsque j'explique que ma femme travaille une partie de son temps depuis notre domicile. "Ah je comprends mieux !" me répond-elle. "Je n'ai évidemment pas été lâché dans la nature comme cela. Vous pensez bien !" lui rétorquais-je sur un ton sarcastique.  

Le Parc version papillon
La scène se passe dans le bac à sable d'un parc. Mes petites filles y jouaient tranquillement, sous mon oeil protecteur. Je remarque immédiatement un enfant plus turbulent et plus violent que les autres. Effectivement au bout de quelques minutes je le vois attraper un tracteur en plastique, le soulever dans les airs et le projeter violemment sur le crane d'un autre garçon. Ouaaouhhh ! Quelle violence ! J'avais déjà remarqué que les bacs à sable étaient le reflet de notre société et qu'ils portaient en eux toute la palette des émotions et sentiments humains. J'ai connu les bousculades pour un jouet, les projections de sable, les grosses colères, j'ai même reçu une très légère claque par un enfant de 2 ans que j'essayais de résonner. Mais un tel déchaînement de  violence, à cet âge là, c'est relativement nouveau pour moi. Je me tourne vers la maman le regard implorant une intervention de sa part. Elle se tourne vers moi et m'explique alors qu'il est comme cela depuis quelques temps, qu'elle est désemparée face à ce comportement et que malheureusement à cet âge là il ne comprend pas ce qu'on lui dit. Ravi de partager ma courte expérience je lui réponds qu'au contraire il comprend tout. Je lui explique alors que nous avons également eu une période où notre aîné avait décidé de nous frapper lorsqu'il était en colère et que la solution était la fermeté devant ce type de comportement. Rassérénée, elle menace alors son enfant de rentrer à la maison s'il recommence. Ce qui évidemment ne manque pas d'arriver quelques instants plus tard. Elle l'attrape alors avec détermination, lui annonce qu'ils rentrent de ce pas. Voilà une réaction pleine de bon sens, me dis-je. Une menace proférée et mise à exécution. Une bonne crise qui ne sera pas gâchée. Je l'encourage le regard approbateur et surtout ravi qu'on ait vu enfin en moi un père tout aussi capable qu'une mère.

Ma joie sera de courte durée. Une dizaine de minutes plus tard je me retourne et je tombe sur cet enfant et sa maman en train de jouer ensemble sur un autre jeu. Mon sang ne fait qu'un tour. Je suis hors de moi. S'il y a une chose qu'un enfant doit comprendre c'est que les limites imposées par ses parents sont fixes et pas flexibles. J'ai beaucoup hésité à retourner voir la maman pour le lui dire mais je me suis finalement abstenu. Après tout chacun est libre d'avoir tort !

Ce jour là, au delà de mon agacement devant ce comportement, j'ai eu le sentiment d'avoir véritablement gagné mes gallons de maman. 

vendredi 5 août 2011

OMNI : Objet Maternant Non Identifié

Je me suis souvent posé la question de ce qui pouvait me différencier de toutes ces mères que je croise au quotidien dans les lieux branchés de l'ultra-jeunesse (ludothèque, espaces pour changer les bébés, manèges, bac-à-sable, boutiques spécialisées, ...). La finalité de notre existence est identique : offrir à nos enfants un environnement sécurisé et sécurisant lui permettant de se construire et de se développer en tant que personne. Les moyens que nous utilisons sont très similaires : un savant mélange de prévention et de répression tout en épiant la moindre disponibilité de cerveau permettant de proposer une séance d'apprentissage. Disponibilité d'autant plus courte que l'enfant est petit. Les outils pédagogiques sont également très proches. En dépit de tout cela, il subsiste quelques différences notables.

A quoi reconnaît-on donc un papa lâché dans la nature avec sa progéniture ? Après avoir dénoncé avec force certains clichés dans mon précédent billet, en voici d'autres plutôt savoureux, tirés de mes premières semaines à la maison (mais rassurez vous la courbe d'apprentissage est plutôt abrupte) : 

- Il oublie une fois sur deux le sac de change et improvise un changement de couche dans le parc avec une bouteille d'eau, quelques mouchoirs et une couche récupérée auprès d'une maman compatissante

- En revanche il n'oublie que très rarement le nécessaire pour changer une roue (pompe et chambre à air de rechange). C'est bien connu on change plus souvent les roues de la poussette que les enfants.

- C'est le seul homme qui a le privilège de fréquenter les toilettes pour femmes qui ont le bon goût d'héberger dans 90% des cas les tables à langer

- C'est le roi des fautes de goût en matière vestimentaire pour ses enfants : deux chaussettes dépareillées, un haut de pyjama pour sortir et un pantalon trop grand avec des revers qui montent jusqu'au genou.

- C'est le seul à pousser d'une main une poussette vide tout en portant de l'autre son enfant.

- C'est le seul qui ose sortir en roller avec une poussette double et affronter le regard horrifié de toutes les mères du quartier

- C'est le seul suffisamment inconscient pour tenter l'aventure du métro parisien avec 2 enfants de 3 et 2 ans et une poussette double

- Il invente des jeux stupides avec ses enfants qui agacent passablement la maman : "chéri, c'est encore toi qui lui a appris à jeter la serviette dans le bain ?" - "Euh oui ... mais c'était un jeu ... je devais l'attraper avant qu'elle ne touche l'eau !"

N'hésitez pas à continuer cette liste avec toutes vos anecdotes de papa. J'attends vos commentaires 

lundi 1 août 2011

La chute

On imagine souvent la chute comme un moment bref, précédé éventuellement de quelques instants de lucidité extrême qui nous fait voir la fin dans toute son orgueilleuse splendeur. Un moment qui serait le creuset d'un maelström gigantesque où se mélangeraient dans un vacarme assourdissant, une chaleur oppressante et des forces écrasantes. Les enfants vous poussent à revoir vos clichés. Ils donnent un nouveau visage à la perdition de soi. La brièveté du moment laisse la place à un cycle infernal. Lent. Très lent.

Nous avons vécu, mon épouse et moi, quelques moments particulièrement difficiles qui ont généralement toujours eu à peu près les mêmes caractéristiques. La dimension répétitive aurait dû être la promesse de clés permettant d'interrompre les cycles infernaux et pourtant nous n'avons rien trouvé, aucune solution miracle, si ce n'est s'accrocher au maigre espoir de temps meilleurs. Après la pluie, le beau temps paraît-il ? Vérité éclatante qui oublie bien souvent les inondations, les épidémies et autres désastres qui accompagnent le beau temps revenu et vous aident à patienter jusqu'au nouvel épisode pluvieux. Et c'est précisément de cela dont je vais vous parler.

Il n'y a rien qui ressemble plus à un enfant malade qu'un autre enfant malade. Aux symptômes habituels décrits sur tous les sites médicaux s'ajoute une liste complémentaire dont, pudiquement, personne ne parle. Caprices, colères, opposition, pleurs. Nos enfants se transforment en petits monstres dès la moindre fièvre. Tout se passe comme si la mobilisation de leurs défenses immunitaires laissait ressortir la noirceur de leur personnalité. C'est grave docteur ? Est-ce que les antibiotiques agissent également contre les caprices ? Faire tomber la fièvre, d'accord, mais je voudrais également faire tomber leurs colères, avez-vous quelque chose pour ça ? En réalité vous êtes bien démuni et évidemment compatissant. Ce qui n'arrange rien.

Tout commence par quelques caprices inhabituels et un nez qui coule. Cet état pathologique latent peut durer quelques jours et se poursuit généralement par une très légère fièvre. A ce stade votre capital santé est déjà bien entamé. Une fois la fièvre installée, la toux ne met jamais trop longtemps pour arriver. Le rendez-vous chez le médecin, espéré comme la délivrance ultime, ne marque en fait que le début de votre calvaire. Il vous faut, à minima, tenir au moins 72h de plus après le début d'un traitement éventuel. Et cela pour un enfant. Lorsque vous en avez deux, il se passe en effet un phénomène effrayant, qui consiste en ce que le dernier malade contamine le premier guéri. La première fois que cela vous arrive, rassurez-vous, généralement vous n'avez déjà plus la force de réfléchir.

Un enfant malade perd par ailleurs la faculté de se mouvoir par ses propres moyens. Le seul moyen de locomotion toléré est le fauteuil constitué par le creux de votre bras bien calé sur votre corps. Lorsque vous avez deux enfants malades vos deux bras sont sollicités et je vous déconseille évidemment d'en avoir trois si vous ne voulez pas risquer d'être à court de ressources. A la fatigue psychologique s'additionne donc une fatigue physique, voir quelques traumatismes tendineux. 10 et 15kg à bout de bras pendant une journée et c'est vous qui finissez sur les rotules. Pour ceux qui n'ont pas d'enfants, imaginez deux packs d'eau dans chaque bras qui bougent, pleurent et accessoirement fuient un peu et vous comprendrez la difficulté.

Un enfant malade ne dort plus. Là aussi, tout se passe comme si les défenses immunitaires, trop occupées à combattre le rhume, ne s'occupaient plus de chasser les cauchemars. "Papa j'ai rêvé d'un dragon " - "Mon chéri ne t'inquiète pas, avec la quantité de microbes que tu charries, aucun dragon n'osera s'approcher de toi !". Vous passez votre nuit au chevet de vos enfants pour adoucir leur sommeil et au petit matin, invariablement, quelque soit leur état de santé, c'est eux qui sont à votre chevet pour vous sortir du vôtre.

Un enfant malade ne mange plus et ne boit plus. Et pourtant vous n'êtes pas sans savoir l'importance de l'alimentation et de l'hydratation en période de convalescence. Les repas se transforment dès lors en guerre de tranchées. L'ensemble de l'arsenal est alors déployé : menaces,  promesses, ruses, jeux...  Tout y passe. Et cela vous demande une énergie considérable.

C'est promis, la prochaine fois je me mets en arrêt maladie.