L’impatience est un de mes défauts. J’ai le sentiment permanent et pénible que la totalité des systèmes qui m’entourent sont trop lents et devraient passer à une nouvelle version de « firmware » voir changer leur microprocesseur. J’aimerais pouvoir trouver la télécommande de la vie permettant de passer à 1,5x. Mon petit plaisir : les soirées combo, lecture et film en même temps. Paradoxe ultime, comme un « pied de nez » à mon impatience, une vengeance de Chronos pour mon insolence, il m’arrive régulièrement surtout en fin de journée de rêver d’appuyer sur pause ou ralenti pour me permettre de réaliser ce que j’avais prévu et que je n’ai pas eu le temps de faire. Vous l’aurez compris mon rapport au temps n’est pas des plus sains : la journée est trop courte mais les heures sont trop longues et je suis un éternel insatisfait.
Mon congé parental va ébranler sérieusement cet adage et me réconcilier avec le temps qui passe et même m’apporter un brin de sérénité. Je vais découvrir que la lenteur a ses mérites. En particulier il m’apparait très vite comme une évidence que le principal ennemi de l’autorité parental c’est le manque de temps ou l’impatience.
Le rapport à l’enfant est finalement assez proche d’un état de négociation perpétuelle biaisé. Négociation parce qu’il est important pour le bon développement de votre enfant qu’il puisse faire rapidement ses propres choix et ses propres découvertes. Cela implique nécessairement de transgresser certaines règles de temps en temps, puisque la plupart des choix en question vous concerneront et que certains seront en opposition avec vos principes. Biaisé parce que l’adulte est évidemment tout puissant et peut décider de tout et que l’enfant doit comprendre que sa liberté s’arrête au seuil des interdits et des limites que vous aurez fixés. L’harmonie dans ce rapport consiste dès lors à trouver le juste équilibre entre une « fermeté » indispensable, que dis-je vitale, et la mystification d’une négociation en laissant votre enfant faire ses propres choix dans les limites fixées. Sans cette mystification, l’enfant ne se développera pas en tant que personne et sans cette fermeté votre vie est un enfer. Hors mettre en place cet équilibre ne nécessite finalement qu’une chose : avoir du temps. Cette quête de l’équilibre trouve effectivement et malheureusement sa pleine efficacité lorsque vous avez du temps et très peu de contraintes.
Il est évidemment plus simple et plus rapide de mettre des chaussettes bleues plutôt que de proposer plusieurs paires de chaussettes de couleurs différentes et de laisser votre enfant faire son propre choix. Il est d’ailleurs assez surprenant de voir à quel point le choix est difficile pour un enfant. Cela peut prendre une éternité comme s’il s’agissait d’un état de jouissance extrême qu’il fallait faire durer le plus longtemps possible sans garanti de le retrouver un jour.
Il m’est également arrivé au moment d’une sieste de passer une bonne heure à punir à maintes reprises mon enfant qui systématiquement refusait de se taire. Je refusais de mon côté de céder ayant mis un point d’honneur à obtenir d’elle un repos dans le calme. Il n’y a pas eu de crises ni de cris simplement un bras de fer entres nous que j’ai évidemment gagné mais au prix d’un décalage des horaires de la sieste d’une bonne heure. Sans conséquence compte tenu de ma situation mais impossible à réaliser si vous devez déposer votre enfant à la crèche par exemple.
Les crises que j’ai pu vivre avec mes enfants ont ainsi la plupart du temps eu lieu dans des situations d’urgence où je n’avais pas le temps de garantir cet équilibre :
- Un rendez-vous chez le médecin et 2 enfants à habiller qui ne pensent qu’à jouer
- Un dîner tardif, un refus de manger et vous voyez votre soirée fondre comme neige au soleil
Après avoir compris cela je me suis surpris à faire l’éloge de la lenteur, gage de sérénité. La sérénité est probablement ce qui disparaît le plus vite et vous manque le plus lorsque vous avez des enfants en bas âge (prochain post sur ce sujet) ; sa quête peut devenir une obsession et la lenteur dès lors une des clés pour la retrouver. Si vous en avez d’autres, n’hésitez pas j’attends vos commentaires …
Il est amusant en conclusion de tenter un parallèle avec le monde de l’entreprise et son management humain. Cet équilibre, bien qu’il s’exprimât sous forme un peu différente est également un des socles du management. En tant que manager vous avez par définition autorité pour décider. Cela dit si vous voulez un minimum d’adhésion et donc de succès, il est indispensable que vos collaborateurs aient le sentiment d’avoir contribué au processus. Vous devez de la même façon rééquilibrer un rapport de force par une mystification similaire.
J’ai lu récemment une interview de Paul Polman le PDG d’Unilever qui déclarait en 2009, suite aux déboires des « subprimes » : « Ne jamais gâcher une bonne crise ! ». Et bien la formule est également particulièrement vraie pour l’éducation de vos enfants. Lorsque vous échouez à maintenir cet équilibre, que vous n’avez pas le luxe de la lenteur et que les cris et les pleurs deviennent votre chemin de croix tâcher au moins de ne pas gâcher une bonne crise ! Profitez-en pour affirmer votre autorité et ne pas céder. Votre enfant s’en souviendra … tout comme les investisseurs d’Unilever.
Demain je vous promets un article plus léger : mon top 3 de mes mésaventures en poussette. Rires et sourires garantis.
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