dimanche 31 juillet 2011

Indignez-vous - Chapitre 1

Je suis frappé depuis maintenant de nombreux mois par la quantité invraisemblable de références "sexistes" qui entourent les très jeunes enfants. Ayant une fille et désireux de lui offrir les meilleures chances dans la vie, je m'étais promis d'essayer de lutter de toutes mes forces contre ces références pour lui proposer un environnement où les qualités et les valeurs n'étaient pas déterminées par le sexe de l'enfant. Mais voilà, je suis submergé au quotidien par les vagues à la fois insidieuses et flagrantes d'un océan de sexisme. Il est d'ailleurs possible que les références que je remarque ne constituent que la partie émergée de l'iceberg. Je ne compte plus les livres présentant une princesse sans défense, isolée dans son château dont la seule occupation est d'attendre son preux chevalier, bravant tous les dangers pour la secourir. Je ne compte plus les fables, comme celle que j'ai empruntée par mégarde à la bibliothèque récemment, et qui présente une souris que les parents essaient de marier (!). Étant la plus jolie des souris, elle ne peut évidemment se marier qu'avec le plus puissant des êtres. Ce conte populaire est loin d'être un cas isolé. Témoins d'autres époques, les contes populaires dépeignent un sexisme omniprésent et caricatural. Il est très surprenant qu'ils soient toujours aujourd'hui aussi présents et qu'ils n'aient pas été adaptés.     

Il s'agit là d'exemples terriblement flagrants, qui nous font tous sourire, et contre lesquels il est à priori facile de lutter. Mais le mal est bien plus profond et sournois. La pollution sexiste s'insinue partout. J'ai acheté récemment un jeu très connu consistant à associer deux pièces de puzzle ensemble représentant un métier. Évidemment l'infirmière était une femme et le médecin un homme. Les livres pour enfant sont truffés de représentations sexistes. Amusez-vous à les identifier; vous n'êtes pas au bout de vos surprises. Cela n'est d'ailleurs pas que l'apanage des ouvrages "classiques" qui ont traversé les âges, c'est également vrai dans des livres beaucoup plus récents. Au détour d'une page, vous trouverez par exemple une scénette présentant une famille au petit déjeuner, le papa s'en allant travailler et la maman s'occupant des enfants. Dans une ferme c'est évidemment un monsieur qui conduira le tracteur et une femme qui traira la vache. Sauf à ce que le système de traite soit électrique - auquel cas c'est bien sûr un homme qui officiera. Lorsqu'il s'agit de représenter quelqu'un qui éduque un chien, il aura évidemment les traits d'un homme et lorsqu'il faut montrer un adulte dans une cuisine, il aura la plupart du temps les traits d'une femme. De la même façon lorsqu'il faut représenter un cambriolage, le voleur sera un homme et la victime appelant les policiers sera une femme.

Une des objections qu'on pourrait facilement me faire est que ces exemples ne sont finalement que le reflet de notre société et de ses inégalités. Effectivement. Cela dit est-ce une raison suffisante pour les reproduire dans la quasi exhaustivité des livres et les asséner à nos enfants comme des vérités établies sans aucune forme de distance ni d'accompagnement ? D'autres réalités comme la mort et la prison sont présentées avec bien plus de précautions à nos enfants. Par ailleurs ces représentations, au delà d'associer un métier à un sexe, généralement véhiculent des symboles et c'est là où l'association peut-être choquante. Que le symbole de l'autorité (le maître du chien) ne soit présenté que sous des traits masculins est particulièrement choquant. Tout comme peut l'être le symbole de la faiblesse et de l'assistanat, représenté très souvent sous des traits féminins.

On pourrait également s'interroger du danger de l'association omniprésente rose-fille et bleu-garçon. Dans l'absolu on ne voit pas bien en quoi cela pourrait perturber le développement de nos enfants et pourtant. Après quelques mois passés dans cet environnement, je perçois aujourd'hui trois problèmes majeurs. D'abord cela participe à la création d'un fort clivage entre sexes qui accentue l'idée de valeurs et de qualités propres à chacun d'eux. Ensuite, en accréditant l'idée que les goûts des enfants seraient dépendants du sexe, cela ne les aide pas à apprendre à se déterminer par eux-même et à avoir leur propre avis. Enfin, et c'est surtout cela qui me dérange, cette association rose-fille se prolonge avec tout un univers autour de cette couleur porteur de ses propres valeurs caricaturales (faiblesse, passivité, ...). Autrement dit, si nous avions par ailleurs des médecins en blouse rose, des hommes ou des femmes d'affaires en costume rose, cela ne me poserait aucun problème, mais ce n'est évidemment pas le cas.

Je suis aujourd'hui intimement convaincu des méfaits de ces références, imprimées aussi tôt dans le cerveau de nos chères têtes blondes et je suis surpris qu'il n'y ait pas une mobilisation plus importante pour changer cela. Mais comment lutter contre ? Le combat à titre individuel est particulièrement difficile. Je l'ai compris le jour où j'ai demandé à ma fille quelle couleur elle préférait et qu'elle m'a répondu du tac au tac "le rose parce que je suis une fille".  J'avais pourtant le sentiment d'être sensibilisé et donc prudent. Mais il est difficile de lutter contre cette pollution sournoise.

Je rêve d'un label qui permettrait de garantir un traitement plus égalitaire des sexes dans les livres ou les jeux pour enfants. Ce même label pourrait également valider les méthodes pédagogiques. A défaut, il nous faut exercer une vigilance de tous les instants et être prêt à adapter certaines histoires et à boycotter certains jeux. Pour ma fille la jolie souris est devenue la souris la plus savante et le rose une couleur parmi d'autres qu'elle peut aimer non pas parce que c'est une fille mais pour ce que cette couleur lui évoque.

Et vous qu'en pensez-vous ?  

4 commentaires:

  1. 100% d'accord :)
    Bonne idée la création d'un label, cela pourrait encourager les éditeurs d'ouvrages ou les distributeurs de livres/ jouets à promouvoir les ouvrages progessistes - un peu sur le même principe que les labels Bio, FSC (Forest Stewardship Council gestion durable des forêts pour le papier) ou commerce équitable.

    RépondreSupprimer
  2. Vos souhaits sont exausés!

    http://www.lab-elle.org/

    Bravo pour votre lucidité! je ne compte plus les fois où je m'indigne du sexisme environnant présent dès la prime enfance!

    Bravo pour votre blog, je le trouve très intéressant!
    Il fait sens pour moi car je suis aussi parent au foyer avec deux jeunes enfants (presque 4 ans et 1 an)

    on me regarde aussi comme un extra terrestre parfois, d'autant plus que je fais jeune...

    A bientôt

    (blog ajouté dans mes favoris :) )

    RépondreSupprimer
  3. Super !

    Très très bonne nouvelle. Merci beaucoup pour l'information. J'ai été faire un tour sur le site : déjà 300 ouvrages référencés. Je vais suggérer d'étendre cela aux jeux et proposer quelques ouvrages que nous avons identifié avec mon épouse.

    RépondreSupprimer
  4. Eh oui ce n'est pas simple...
    Effectivement attention aux stéréotypes ! la meilleure preuve dans votre texte pourquoi "nos chères têtes blondes" !
    Mais bravo pour votre article il n'est pas inutile de nous rappeler d'être vigilant.
    Claire

    RépondreSupprimer