samedi 2 juillet 2011

Chaque jour le ciel est différent

Enfer de Dante ou Mythe de l'Arcadie ? Vous l'aurez compris à la lecture des derniers billets de mon blog, le congé parental est un peu des deux à la fois. C'est probablement ce qui lui confère son charme. Chaque jour le ciel est différent, c'est résumer la glorieuse incertitude de la vie en congé parental.

La curiosité est un de mes traits de caractère. Je fuis les vies réglées comme du papier à musique et je me jette avec délectation dans ce qui exalte un parfum de nouveauté. Me retrouver piégé par des accords convenus et imposés était l'une de mes angoisses avant de commencer mon congé parental. Devoir suivre une mélodie sans pouvoir écrire sa propre partition. Le dogme du sacro-saint rituel m'effrayait. Présenté par les plus grands pédopsychiatres, comme un impératif absolu pour trouver paix et sérénité avec vos enfants, je craignais qu'il ne soit comme une immense source d'ennui. Un éternel recommencement qui rendrait vos journées uniformes et sans saveur. Je voulais la paix et la folie. La sérénité et la sérendipité. Tout à la fois. Etais-je trop exigeant ?

Mes premiers mois d'homme au foyer ont balayé mes inquiétudes. Effectivement, chaque jour le ciel est différent !

Certes, comme pour chaque métier vous avez un certain nombre de passages obligés. Des repères du quotidien. Vos phares. Comme le soleil reste un phare dans un ciel changeant. Les couches. Les repas à préparer. Les machines à lancer. Autant de repères qui balisent inlassablement vos journées et qui peuvent être pour certain la caricature du congé parental. Mais ce qui est important est ce qu'il y a entre ces repères. Je me suis alors amusé à me remémorer les rituels professionnels auxquels j'ai été longtemps astreint. Et bien ils sont au moins aussi nombreux : les trajets pour se rendre au bureau, les pauses à la machine à café, les documents administratifs à remplir (note de frais, ...), la vérification compulsive de vos emails, les déjeuners au restaurant d'entreprise, les réponses stéréotypées aux clients sans compter les rituels propres à votre métier. Interrogez-vous et vous verrez que finalement, aussi épanouie que soit votre vie professionnelle, elle s'étire, elle aussi, entre des rituels qui se répètent inlassablement. Ils procèdent de la même logique que ceux que l'on met en place pour nos enfants. Ils nous transmettent stabilité et force pour affronter les situations nouvelles.

Le congé parental paradoxalement aura eu deux mérites essentiels à mes yeux. D'abord il aura cassé tous mes repères professionnels pour me construire un nouvel univers porteurs de ses propres codes et valeurs. Ce changement agit comme une énorme bouffée d'oxygène et induit une énergie nouvelle, différente. Ensuite je découvre que les enfants, contrairement à la majorité d'entre nous, sont en rébellion permanente contre l'ordre établi. La où, dans le monde professionnel, vous vous laissez porter par les rituels; dans le monde de l'enfance vous devez lutter pour garder un semblant d'ordre. Une lutte de tous les instants. Il est bien connu que les systèmes évoluent naturellement vers leur maximum d'entropie - c'est à dire vers le désordre et le chaos - et bien cette vérité n'a jamais été aussi vraie qu'avec de très jeunes enfants. Cela a deux conséquences. La première est que le rituel est réduit à sa portion congrue si vous n'y prenez pas garde et la deuxième est que chaque instant passé avec eux est unique. Je vous l'ai dit chaque jour le ciel est différent.

J'ai l'habitude de fréquenter la ménagerie du jardin des plantes. "OK ! Une visite au zoo quoi !" me diriez-vous. Et bien oui mais elle a toujours été différente. Elle s'est révélée être une expérience anthropologique animale lorsque nous avons passé plus d'une demi-heure devant la cage de la famille Orang-outang, mes enfants fascinés par leurs ressemblances comportementales avec les hommes. Elle s'est révélée être scène de comédie de boulevard lorsque dans le vivarium aux reptiles, alors qu'il pleuvait des cordes dehors, mon ainé se tortille dans tous les sens. Je dégaine immédiatement le pot que je conserve sous la poussette et je l'installe dans un coin sous les serpents devant les yeux médusés des touristes parisiens. Quand soudain j'entends derrière moi :"Monsieur, votre enfant est en train de boire l'eau des poissons !". Effectivement mon plus jeune était en train de boire l'eau verdâtre et probablement saumâtre d'une fontaine à poisson dans l'entrée du vivarium. Vision effroyable. je l'imaginais déjà avec un poisson frétillant entre les dents. Mon cri a résonné dans tout le vivarium et a dû réveiller tous les reptiles endormis. Elle s'est révélée être une expérience socialement exquise lorsque j'ai rencontré un papa indien, en tourisme dans la capital, et dont nos enfants respectifs se sont mis à jouer ensemble comme s'ils s'étaient toujours connus. 

Entre anecdotes savoureuses, observations pointues et liens sociaux agréables, chaque sortie est une aventure plus proche des tribulations de l'Odyssey que du siège de l'Iliade. Ma vie d'aujourd'hui est peuplée de petites anecdotes et de petites rencontres qui lui donne son sel, son piquant et son charme. Alors oui, l'horizon n'est pas très large, je ne discuterai jamais, ou pas avant un certain temps, de l'affaire DSK, de la crise du nucléaire ou de philosophie avec mes enfants mais ils me procurent bien d'autres plaisirs et joies dans une vie qui, contrairement à ce que je pouvais craindre, est très très loin d'être un éternel recommencement.    
   

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