lundi 1 août 2011

La chute

On imagine souvent la chute comme un moment bref, précédé éventuellement de quelques instants de lucidité extrême qui nous fait voir la fin dans toute son orgueilleuse splendeur. Un moment qui serait le creuset d'un maelström gigantesque où se mélangeraient dans un vacarme assourdissant, une chaleur oppressante et des forces écrasantes. Les enfants vous poussent à revoir vos clichés. Ils donnent un nouveau visage à la perdition de soi. La brièveté du moment laisse la place à un cycle infernal. Lent. Très lent.

Nous avons vécu, mon épouse et moi, quelques moments particulièrement difficiles qui ont généralement toujours eu à peu près les mêmes caractéristiques. La dimension répétitive aurait dû être la promesse de clés permettant d'interrompre les cycles infernaux et pourtant nous n'avons rien trouvé, aucune solution miracle, si ce n'est s'accrocher au maigre espoir de temps meilleurs. Après la pluie, le beau temps paraît-il ? Vérité éclatante qui oublie bien souvent les inondations, les épidémies et autres désastres qui accompagnent le beau temps revenu et vous aident à patienter jusqu'au nouvel épisode pluvieux. Et c'est précisément de cela dont je vais vous parler.

Il n'y a rien qui ressemble plus à un enfant malade qu'un autre enfant malade. Aux symptômes habituels décrits sur tous les sites médicaux s'ajoute une liste complémentaire dont, pudiquement, personne ne parle. Caprices, colères, opposition, pleurs. Nos enfants se transforment en petits monstres dès la moindre fièvre. Tout se passe comme si la mobilisation de leurs défenses immunitaires laissait ressortir la noirceur de leur personnalité. C'est grave docteur ? Est-ce que les antibiotiques agissent également contre les caprices ? Faire tomber la fièvre, d'accord, mais je voudrais également faire tomber leurs colères, avez-vous quelque chose pour ça ? En réalité vous êtes bien démuni et évidemment compatissant. Ce qui n'arrange rien.

Tout commence par quelques caprices inhabituels et un nez qui coule. Cet état pathologique latent peut durer quelques jours et se poursuit généralement par une très légère fièvre. A ce stade votre capital santé est déjà bien entamé. Une fois la fièvre installée, la toux ne met jamais trop longtemps pour arriver. Le rendez-vous chez le médecin, espéré comme la délivrance ultime, ne marque en fait que le début de votre calvaire. Il vous faut, à minima, tenir au moins 72h de plus après le début d'un traitement éventuel. Et cela pour un enfant. Lorsque vous en avez deux, il se passe en effet un phénomène effrayant, qui consiste en ce que le dernier malade contamine le premier guéri. La première fois que cela vous arrive, rassurez-vous, généralement vous n'avez déjà plus la force de réfléchir.

Un enfant malade perd par ailleurs la faculté de se mouvoir par ses propres moyens. Le seul moyen de locomotion toléré est le fauteuil constitué par le creux de votre bras bien calé sur votre corps. Lorsque vous avez deux enfants malades vos deux bras sont sollicités et je vous déconseille évidemment d'en avoir trois si vous ne voulez pas risquer d'être à court de ressources. A la fatigue psychologique s'additionne donc une fatigue physique, voir quelques traumatismes tendineux. 10 et 15kg à bout de bras pendant une journée et c'est vous qui finissez sur les rotules. Pour ceux qui n'ont pas d'enfants, imaginez deux packs d'eau dans chaque bras qui bougent, pleurent et accessoirement fuient un peu et vous comprendrez la difficulté.

Un enfant malade ne dort plus. Là aussi, tout se passe comme si les défenses immunitaires, trop occupées à combattre le rhume, ne s'occupaient plus de chasser les cauchemars. "Papa j'ai rêvé d'un dragon " - "Mon chéri ne t'inquiète pas, avec la quantité de microbes que tu charries, aucun dragon n'osera s'approcher de toi !". Vous passez votre nuit au chevet de vos enfants pour adoucir leur sommeil et au petit matin, invariablement, quelque soit leur état de santé, c'est eux qui sont à votre chevet pour vous sortir du vôtre.

Un enfant malade ne mange plus et ne boit plus. Et pourtant vous n'êtes pas sans savoir l'importance de l'alimentation et de l'hydratation en période de convalescence. Les repas se transforment dès lors en guerre de tranchées. L'ensemble de l'arsenal est alors déployé : menaces,  promesses, ruses, jeux...  Tout y passe. Et cela vous demande une énergie considérable.

C'est promis, la prochaine fois je me mets en arrêt maladie.

1 commentaire:

  1. J'ai connu en vrac : varicelle x4, scarlatine x4 (avec 2 des puces dans un état fiévreux plus qu'inquiétant) et grosse crise de gastro pour les 5 en même temps...et qui est tombée malade ensuite, c'est Maman !! Je compatis...

    RépondreSupprimer