mardi 16 août 2011

La fulgurance de l'escargot

Le développement de l'enfant est un moment tout à fait particulier qui n’a rien de comparable avec tout ce que j'avais pu connaître par ailleurs. Un mode d’apprentissage aussi surprenant que déroutant. J'ai connu les théories de « Change Management » en entreprise je découvre à l’occasion de mon congé parental ce que l’on pourrait appeler une révolution au ralenti ou la "fulgurance de l’escargot". C'est finalement le paradoxe ultime du changement, qui consiste à voir se succéder des phases d’apprentissage sidérantes de rapidité avec un processus d’une lenteur extrême. Et tout cela sans que l'on comprenne réellement les mécanismes à l'oeuvre qui rendent tel geste naturel dès le premier essai et tel autre hors de portée de long mois durant. Il m’a fallu pas loin de deux mois pour faire comprendre à mon aîné qu'après quatre il y avait cinq et pas neuf. Elle avait en effet décidé de passer de quatre à neuf puis dix et d’oublier tous les chiffres intermédiaires. S'agissait-il d'un pragmatisme à tout épreuve qui lui permettait de compter jusqu’à dix plus rapidement que tout le monde ? S'agissait-il d'un amour inconditionnel pour le 4 et le 9 qu’elle avait décidé de rapprocher pour l’éternité ? Je ne le sais pas mais je ne compte plus le nombre de fois où j’ai du la reprendre. A côté de cela nous avons été régulièrement bluffés par sa capacité à se souvenir de mots, de situations qu’elle n’avait vues ou vécues qu’une seule fois, ou bien à réaliser des gestes que nous lui montrions pour la première fois. 

Au delà de ce paradoxe plutôt amusant je retiens trois leçons qui m'ont marqué et dont il utile, y compris pour nous, adultes, de se souvenir dans la vie de tous les jours : 

1. Les enfants se construisent dans l'échec
Il faut en effet reconnaître que les moments de fulgurance sont bien moins nombreux que les moments d'échecs dans la vie de vos escargots. La formation est pavée de faillite. Certains gestes seront répétés des centaines de fois avant de se réaliser correctement. Votre rôle dès lors est d'accompagner cette démarche en tâchant de déceler la moindre fulgurance dans cette répétition chaotique pour encourager votre enfant. Vous félicitez tantôt les moyens (je suis fier de toi, tu ne te décourages pas ! C'est très très bien d'essayer encore et encore, tu vas finir par y arriver) et tantôt les résultats, même les plus imperceptibles (bravo c'est très très bien, tu as réussi à mettre un peu de purée dans ta cuillère. Le reste se réparti entre les cheveux, la table et le sol mais ce n'est pas grave !). Point de découragement. L'escargot a en effet trois qualités principales : il avance, il avance et il avance toujours. C'est une leçon pour chacun d'entre nous, cette résilience à l'échec se perd en effet très vite avec l'âge. 

2. Il est plus difficile de défaire que de faire
Une mauvaise habitude se prend rapidement mais met du temps à se défaire. Je me souviens de mon aîné qui avait appris à empoigner le crayon de couleur comme on empoigne un marteau. Impossible de lui faire entendre raison, il avait décidé que ses talents d'artiste se révélaient bien mieux de cette façon. Il m'aura fallu beaucoup de sueur pour qu'il change son habitude. Mon deuxième enfant, quant à lui, a développé très jeune des facultés de commando d'élite. Il était capable de se mouvoir, en rampant, en s'aidant d'une seule jambe, et en se propulsant à l'aide d'un seul bras plié devant lui, l'autre portant son doudou comme on porte un Famas. Là aussi une fois cette faculté acquise il lui aura fallu de long mois, pour ramper plus orthodoxement.  Au travers de ces exemples on se rend compte que l'apprentissage est précieux et qu'il faut prendre son temps. Evitez la précipitation et faites en sorte que les conditions soient optimales avant de vous lancer dans une activité nouvelle. Vous augmenterez vos chances de trouver le geste juste et diminuerez les risques du dés-apprentissage.     

3. Un bon exemple vaut mieux qu'un long discours
Les enfants sont de formidables spectateurs et les adultes, plutôt conteurs qu'acteurs. Je me suis surpris plusieurs fois à expliquer en détail un concept à mes enfants. Des mots, des mots, toujours des mots alors que la meilleure démo est celle silencieuse où vous réaliser une tâche et laissez votre enfant vous imiter.  

Il est également fascinant de côtoyer des êtres qui n'ont absolument aucune barrière mentale, aucune inhibition et agenda secret. Contrairement à ce que l'on a tous pu voir dans le monde de l'entreprise. L'apprentissage, même lent, reste d'une fluidité idéale et le changement tant redouté lorsqu'on est plus grand devient pour un enfant une quête quotidienne et une source d'épanouissement.

2 commentaires:

  1. Ton idée de doudou-famas me rappèle mon fils, 5 mois à l'époque (il a toujours été "moteur") qui, durant ma douche (avoir ses loupiots dans la même pièce en train machonner/jouer avec des trucs de bain, je trouve ça plus sain que de les laisser hurler dans leur parc) a trouvé le moyen de ramper (façon GI) sous la baignoire de bébé avant de se plaindre parce qu'il n'avait pas encore maitrisé la marche arrière.
    Vous m'imaginez pleine de shampooing, juchée dans ma baignoire en train de dire au hurleur qu'il lui faudrait attendre ou se débrouiller seul.
    Il a finalement choisi l'option autonome est s'en est suffisement bien sorti pour retester la manoeuvre immédiatement.

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  2. Très drôle j'imagine assez bien la scène ;)
    J'ai eu une expérience assez similaire avec mon aîné qui pendant que je prenais une douche a trouvé le moyen de mettre la main sur les bandelettes de cire de sa maman et qui les a collé un peu partout sur ses jambes !!! Les retirer a été assez épique et il nous a fallu une semaine pour évacuer toute la colle de ses jambes.

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